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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/21

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CHAPITRE II

DU RÊVE ET DE LA RÊVERIE

Nous ne sommes plus au temps où les créations fantastiques du rêve étaient considérées comme des annonces du destin. Mais il ne faut point trop se fier aux lumières ; et l’homme n’a pas tant changé qu’il puisse penser sans trouble à un rêve qui aurait rapport à ses plus vives affections, comme d’un ami malade ou calomniateur, ou d’une femme infidèle, ou d’un fils tué au combat. Je souhaite seulement que la sagesse des jours vous préserve et me préserve de tels rêves ; mais d’y croire un peu trop, si vous les avez, rien ne vous préservera. Cela pour faire entendre que, dès que l’on fait attention à un rêve, la passion nous détourne de considérer les vraies causes. Il y faut pourtant regarder de près, et c’est un chemin facile vers une idée un peu cachée, et essentielle dans notre sujet.

Je fais une part, dans les rêves, pour les sentiments et les souvenirs de chacun. Et comment faire autrement ? Mais, contre les lieux communs, je dis qu’il faut la réduire autant qu’on peut, et porter l’attention sur d’autres causes. Premièrement que les objets extérieurs agissent encore sur nos sens pendant le sommeil, ce qui donne lieu à des perceptions paresseuses. Par exemple les bruits nous touchent ; une