Aller au contenu

Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
DU MOUVEMENT

gage en est impossible, et que l’on ne pense même pas à l’essayer.

Le dessin, sans doute par la vertu du trait, convient mieux pour représenter l’action, peut-être parce que, volontairement vide et nu, il efface la pensée et le sentiment, comme fait l’action même. Car, dans le drame, la pensée suit péniblement, et comme une faible lueur, l’action irréparable ; et c’est pourquoi le temps est le roi du drame, qui achève les résolutions avant qu’elles soient prises. Comme il est clair que la peinture ne peut représenter cette succession sans retour, si ce n’est par le souvenir ou le pressentiment ramassés sur un visage d’homme, on voit que la peinture, même dramatique, tend toujours à l’immobile. Il reste que le peintre s’en tienne à son langage propre, comme Michel-Ange à la Sixtine l’a su faire. Car il y a plus de sentiment que de mouvement dans cet homme à peine créé et déjà seul ; mais ce lourd destin est écrit mieux encore dans les figures immobiles, et seulement le Bacchus assis en dit plus long sur le plaisir que toute la Bible. La peinture du mouvement s’en tiendrait donc à des actions qui ne sont qu’actions, comme de lutter ou de courir ; mais elle n’est alors qu’un dessin colorié, et la couleur alors promet trop.

Il est à prévoir que les mouvements réglés du cérémonial, qui dans le fait ramènent plutôt la pensée au sentiment contenu, porteront mieux aussi la couleur. Et même on peut remarquer que les scènes peintes tendent toujours au cérémonial, qui, spécialement destiné à effacer le drame, permet aussi à chacun d’exister pour soi, pendant que l’attention s’applique au mouvement seul. Mais ce n’est aussi qu’un moyen de peindre plusieurs portraits en un seul tableau. Ce rapport de société, si favorable à la composition des sentiments et ainsi à la beauté du visage, est aussi le premier ornement de n’importe quel portrait, même seul dans son cadre ; aussi y a-t-il du cérémonial en tout portrait ; et plusieurs portraits, surtout du même temps, forment aussitôt société et cérémonie. En quoi