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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/342

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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

au moyen des dessins les plus distincts et les plus simples de l’ancienne écriture. Par ce moyen n’importe quelle improvisation pouvait devenir objet, l’esprit se prenait à cet objet sans règle, y cherchait un sens, s’y accoutumait enfin s’il ne pouvait mieux. On a assez dit que la plupart des erreurs doctrinales viennent du langage ; mais on n’a pas assez remarqué que c’est le langage écrit surtout qui, en fixant l’erreur, crée un monde d’objets fantastiques, sur lesquels s’exercent les commentateurs. D’où l’on voudrait transporter en tout écrit les règles de la poésie et de l’éloquence, destinées à modérer la folie bavarde et écrivante. Mais rien ne peut empêcher que l’écrit, par sa seule existence, devienne une sorte de fait nouveau, objet à son tour d’une étrange expérience, qui a ses règles. Le document, ou rumeur fixée, fait un monde fantastique, mais cohérent pourtant par l’encre et le papier. Un esprit mal cultivé s’égare déjà en écoutant ses propres discours ; l’oubli est un prompt remède ; mais comment décrire les pensées d’un homme naïf qui relit ses improvisations ? Il est clair que l’invention de l’imprimerie a donné encore plus de poids aux choses écrites. D’où l’on voit qu’apprendre à lire est un mauvais travail s’il n’est pas continué par l’étude des meilleurs modèles, qui met en défiance à l’égard de tous et de soi-même. On voit naître ici l’art de la prose ; on devine déjà ce mouvement retenu qui lui est propre, et cette sobriété toujours imitée des anciennes inscriptions. Mais, avant d’entrer dans cette étude, qui doit terminer le système des Beaux-Arts, il fallait donner un regard encore à cet honnête langage du geste et aux arts qui en sont sortis. Monuments, statues, tableaux, dessins, sagesse sans paroles.