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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/386

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CHAPITRE XII

ESSAI SUR LE STYLE

Nos pères voulaient appeler modestie non pas tant une disposition du jugement à l’égard des projets, des forces, ou de l’opinion d’autrui, qu’un état du corps, qui est un genre de politesse, et qui figure le repos des passions, en même temps que l’application déliée qui accompagne presque toujours le travail manuel, et que l’assiduité donne aux bons écoliers. Il est d’expérience que l’ambition, ou seulement le désir de bien faire, éveille un autre genre d’attention, tendue et nouée, qui fait que les actions les plus simples sont difficiles et sans grâce. Chacun peut comprendre, en réfléchissant là-dessus, que la volonté n’a point de prise hors d’une action qu’elle fait. Et l’on appelle bien passion cet effort de nous qui nous étrangle et paralyse, par l’image vive des obstacles éloignés. J’ai souvent invoqué cette précaution du sage contre les soucis : « Une seule chose à la fois » ; elle est de plus grand secours encore dans l’exécution des œuvres. Et peut-être est-elle surtout visible en ces maisons bien des fois agrandies ou consolidées, selon les besoins et les ressources, et ornées de même, sans aucun plan ambitieux. Dans ce genre de travaux, où la matière résiste et porte les projets, le troupeau des muscles est assoupli par un mouvement certain, et