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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/62

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CHAPITRE IV

DE LA DANSE AMOUREUSE

Outre que les scènes d’amour, quand elles sont laissées à l’instinct et aux passions, troublent profondément le spectateur, elles sont naturellement inquiétantes pour une femme qui n’est pas folle d’orgueil ou de colère. Mais les signes de l’amour sont plaisants à regarder, pourvu qu’en éveillant les passions, en même temps ils les composent et les modèrent. L’amour éclaire le visage et apaise par les images de la confiance et du bonheur. Mais de même que ce genre de désir veut être contenu et assuré en vue de la paix familiale, de même, dans les apparences, il est bon que l’animal ne se montre pas trop, et enfin qu’il s’humanise. Car il est vrai qu’il y a de la convention dans l’expression humaine ; et l’on pressent ici tout le prix de la comédie. En bref, l’amour humain ne réussit point sans égards ni précautions, car il vise loin.

Il s’en faut bien que la pudeur s’arrête au sexe féminin et aux gestes de l’amour. Il y a de la pudeur dans la danse guerrière, ainsi qu’on l’a vu. Toutefois, comme l’amour est assujetti finalement aux lois animales, le danger de l’amour libre est plus visible peut-être que le danger de la guerre libre. L’ivresse ici est laide plus encore qu’ailleurs ; c’est pourquoi