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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/81

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CHAPITRE X

DE L’AISANCE ET DE LA GRÂCE

La timidité est le mal de tous, sans exception, quoiqu’on ne l’avoue guère. Et toutes les fois que l’on se trouve hors des chemins de la politesse, comme est l’orateur, l’acteur, le candidat, le mal va jusqu’à la révolution d’entrailles. Ce fait si connu donne la mesure de la puissance des passions ; car en voilà une qui est presque sans objet, mais qui se suffit à elle-même, et qui s’augmente par ses propres effets et par ses propres signes. L’assurance est un effet de volonté qui supprime les effets extérieurs de cette passion, et même les pensées qu’elle fait naître, et il n’y a point de beauté sans assurance. Mais l’aisance et la grâce sont plus belles. Stendhal dit bien de Madame de Rénal : « Cette démarche qu’elle avait quand elle était loin du regard des hommes. » Il y a une grâce de l’enfant qui fait connaître que c’est sa mère qui le tient ; cette sûreté sans effort est rare. Il fallait à cette femme de beaux jardins bien clos ; toutefois d’autres hommes peut-être auraient pu la voir ainsi sans la surprendre. La grâce exprime donc toujours un rapport de société ; c’est pourquoi la grâce dans un portrait dit beaucoup. La grâce est une conversation muette, apprêtée et libre, où les surprises ne sont que de jeu. Le difficile, on le com-