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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/85

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DE LA BEAUTÉ DU CORPS HUMAIN

maines, le retour de la beauté est sublime, parce qu’elle signifie alors directement une puissance d’un autre ordre, et un dieu au dedans. C’est pourquoi l’image d’un dieu est belle ; et cela suffit.

On voit que la beauté est proprement jeune, et en un sens toujours jeune. Mais il est trop clair que l’âge et la maladie l’altèrent toujours un peu, et souvent beaucoup. Un ulcère est laid ; la pâleur maladive est laide ; mais la beauté y peut revenir toujours par éclairs, si la force intérieure arrive à l’oubli d’un instant. Félicité des Touches fut plus belle qu’en ses plus beaux jours lorsqu’elle forma cette idée souveraine qui devait la conduire au couvent.

Sur la beauté du corps nu, il y a peu à dire, parce que ce spectacle est trop émouvant. Mais sans doute, chez ceux qui ont dominé ces impressions, s’il y en a qui le puissent, la jeunesse, l’équilibre et la disposition à tout mouvement s’affirment assez dans le repos ; en revanche les misères de l’âge sont trop visibles.

Au reste, ce qu’il y a à dire sur le nu, à ce moment de l’analyse, c’est qu’il efface naturellement cette expression du visage qui résulte de cérémonie et de société. Les relations de simple force dominent aussitôt. Ce serait l’homme en solitude, sans autre pensée que ses actions, ce qui exclut tout spectateur. Aussi le nu vivant est-il toujours un spectacle scandaleux. L’occasion est favorable pourtant de dire ce que les autres arts pourront exprimer par le nu, à savoir l’action certainement, et la pensée peut-être, mais nullement le sentiment, toujours lié au costume et à l’échange des signes. Ce que la mère vêtue et l’enfant nu, en leur société, représentent à merveille.