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LA DOCTRINE DE BOILEAU 189 Et, toujours mécontent de ce qu’il vient Je faire, II plaît à tout le monde et ne saurait se plaire ; Et tel dont, en tous lieux, chacun vante l’esprit. Voudrait, pour son repos, n’avoir jamais écrit. Cette plainte était sincère. Boileau corrigeait con- tinuellement ses vers, et ne s’en séparait que lors- qu’il ne lui était plus possible de les améliorer. Même clans sa correspondance, il s’excuse à chaque instant des ratures qu’il est obligé de faire. C’est à lui sur- tout que s’applique le mot de Banville : Gravir le dur sentier de l’inspiration. On sait en quels termes Boileau se plaignait à Molière : Enseigne-moi,Molière, où tu trouves la rime... On dirait quelquefois qu’elle te vient chercher... Mais moi, qu’un vain caprice, une bizarre humeur, Pour mes péchés, je crois, fit devenir rimeur, Dans ce rude métier où mon esprit se tue, En vain, pour la trouver, je travaille et je sue. (Satire II) La facilité de certains auteurs indignait Boileau. La production sans effort lui semblait suspecte, et j’imagine qu’il dut s’étonner de voir Molière com- poser en quinze jours sa comédie des Fâcheux. Les contemporains confirment ces aveux. « Boileau ne faisait pas aisément ses vers, dit Louis Racine, et il a eu raison de dire : « Si j’écris quatre mots, j’en effacerais trois.