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Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/157

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DE LA PEINTURE

tout être animé, il n’y a aucune longueur ni aucune largeur de membre qui ne corresponde à celles des autres. Il faut encore bien veiller à ce que tous les membres remplissent bien leur office dans une action quelconque. Il convient, chez un coureur, que les mains ne se jettent pas plus loin que les pieds, et je préfère qu’un philosophe en prière trahisse, par sa membrure, plutôt la modestie que la gymnastique. Le peintre Dœmon représenta un Hoplite combattant qui semblait être tout en sueur, et un autre, déposant les armes, qu’on eût dit essoufflé. Il y eut tel peintre qui peignit Ulysse de façon que tu aurais reconnu en lui, non la folie véritable, mais la folie simulée. Les Romains font un grand éloge d’une peinture qui représente Méléagre apporté mort, et ceux qui l’entourent remplis d’angoisses et les membres affaissés. Cependant, chez un mort, il n’y a nul membre qui ne paraisse mort également ; tous pendent : les mains, les doigts, la tête, tombent languissamment. Tout, enfin, concourt à donner au corps l’aspect de la mort ; ce qui est d’une grande difficulté. Or, c’est aussi bien le fait d’un grand artiste de représenter, dans une figure, des membres oisifs que des membres animés et agissants. Donc, il faut observer, en peinture, que chaque membre remplisse bien l’office qui lui est propre et que la plus petite articulation ne laisse pas que de faire son service ; de telle sorte que tout membre inanimé ou tout membre vivant semble être tel jusqu’au bout des ongles. On dit qu’un corps est en vie quand, de son plein gré, il agit et se meut. On le dit mort lorsque les mem-