Aller au contenu

Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

58
LEON-BATTISTA ALBERTI.

qui l’érige en théorie, contrefaire l’innocent est, chez les Italiens, le grand art d’atteindre le but. Quoi qu’il en soit, Alberti vécut en honnête homme. On s’accorde à louer sa bonté et sa grandeur d’âme. L’étonnante supériorité de sa nature lui suscita beaucoup d’ennemis. Jamais il n’employa l’influence qu’il avait auprès des grands pour tirer vengeance d’une injure, et cependant la fureur de ses envieux alla jusqu’à armer contre lui le bras criminel d’un serviteur. Toutes ses biographies, et notamment un manuscrit latin de la Bibliothèque Magliabecchi, dont M. Léopold Leclanché, dans son édition du Vasari, ne donne qu’un fragment, le représentent comme un homme actif et persévérant que ni la faim ni le sommeil ne pouvaient arracher à l’étude. Loin de redouter la critique, il l’appelait, au contraire, et en faisait sans doute le cas qu’il fallait. Discret et réfléchi, il fuyait les bavards, évitant surtout les entêtés, qui avaient le don de l’irriter. Son esprit méditatif imprimait à son visage un aspect sévère et attristé, mais son affabilité démentait cette apparence, et ses causeries, toujours élevées et sérieuses, étaient, dans l’intimité, tempérées par une gaieté douce et une bienveillante dignité. Entouré de quelques amis, il philosophait avec eux, entreprenant de leur expliquer par d’ingénieuses