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Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/9

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PROLOGUE.

Et d’abord, si tu peux me permettre de commencer par une digression, je te dirai d’où me vint l’idée de cette entreprise.

Naguère, comme j’étais avec plusieurs hommes de bien, tant peintres qu’écrivains, chez une noble Dame, il advint qu’après le repas où elle nous avait conviés, on devisa de choses et d’autres, passant des menus propos aux plus grands, et vice versa, comme c’est coutume.

Là, assez nouveau, d’ailleurs, et peu privé, me sentant le moindre entre tous, je me tenais dans une discrète et prudente réserve. Non que j’eusse crainte ou éprouvasse quelque embarras, car la Dame de céans est la plus courtoise personne qui se puisse voir par toute la terre ; mais il faut croire que j’avais en l’esprit ce mot des Soliloques d’Isidore : Sint tua verba pauca, parle peu.

Donc, avisant mon petit personnage, la Dame de la maison me fit cet honneur de m’interpeller, et, me fixant de son regard très-clair, me dit avec un gracieux parler : « Ne causez-vous pas d’aventure ? — Oui’dà, madame, d’ordinaire, et de reste à mes heures ; mais ce m’est profit d’écouter : à petit chaudron grandes oreilles. » Dont se prit à rire la bonne Dame. « Cà, fit-elle, je veux que vous soyez à l’aise en ma maison ; rompez cette re-