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Page:Alcott - Jack et Jane.djvu/115

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LA MISSION DE JANE.

chacun lui disait qu’elle serait bientôt guérie. À présent elle savait la vérité. Elle frissonna en s’écriant :

« Vingt ans ! Jamais je ne pourrai le supporter Jamais !! jamais !! »

C’était une bien malheureuse petite Jane que celle qui était la étendue sur le tapis, sanglotant de toutes ses forces, et se souciant fort peu d’être découverte par qui que ce fût, en flagrant délit de désobéissance. Enfin les deux derniers mots de la lettre de Mme Minot, ces deux consolants mots : J’espère, semblèrent éclairer les ténèbres des terribles vingt années au lit, et remettre un peu de calme dans l’esprit de Jane.

Le désespoir n’habite jamais longtemps dans les jeunes cœurs, et, d’ailleurs, Jane était très courageuse.

« Voilà donc pourquoi maman soupire si souvent en m’habillant, se dit-elle. Et c’est pour cela que tout le monde est si bon pour moi !… Mais Mme Minot se trompe peut-être ! Elle s’est bien tourmentée pour Jack pendant les premiers jours, et il est presque guéri maintenant. Je voudrais bien pouvoir demander la vérité au docteur, mais il faudrait lui avouer que j’ai lu cette lettre ! Pourquoi l’ai-je touchée ?… »

Jane repoussa loin d’elle le malencontreux papier, se releva tant bien que mal, et, après des efforts et des douleurs inouïs, parvint à se remettre sur son sofa. Alors elle poussa un gémissement lugubre. Il lui semblait que les vingt années de maladie, dont parlait Mme Minot, s’étaient déjà écoulées depuis le moment où elle avait quitté sa place.

« J’ai désobéi, se dit-elle, car j’avais promis à Mme Minot de ne pas bouger ; je me suis fait mal au dos de nou-