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Page:Alcott - Les Quatre Filles du docteur Marsch.djvu/197

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LE CAMP DE LAURENTZ.

« Commencez, s’il vous plaît, monsieur Brooke, dit Kate avec un geste impérieux qui surprit beaucoup Meg, car tout le monde traitait le précepteur de Laurie avec le respect que méritait son caractère. »

M. Brooke était couché sur l’herbe ; il n’eut pas l’air ému le moins du monde de l’injonction de miss Kate, et commença l’histoire en tenant ses beaux yeux bruns fixés sur la rivière miroitante au soleil :

« Une fois un chevalier, qui n’avait que son épée et son bouclier, alla dans le monde pour y chercher fortune. Il voyagea longtemps, près de vingt-huit ans, en étant très malheureux, et arriva enfin au palais d’un bon vieux roi qui avait offert une récompense à quiconque pourrait apprivoiser et dresser un beau cheval très emporté et très sauvage, qu’il aimait beaucoup. Le chevalier demanda à essayer, et réussit, quoique lentement. Le beau cheval était très bon et apprit bientôt à aimer son nouveau maître. Tous les jours, pour exercer le coursier favori du roi, le chevalier quittait le palais monté sur la noble bête, et la conduisait à travers les promenades de la ville capitale, et même au delà, dans la campagne. Un jour qu’il traversait un lieu très désert, il aperçut, à la fenêtre d’un château en ruine, une charmante figure qu’il reconnut pour l’avoir vue en rêve. Il demanda qui habitait ce vieux château ; on lui répondit que de belles et malheureuses princesses y étaient retenues captives par un enchantement, et qu’elles y resteraient tant qu’elles n’auraient pas filé assez de laine pour payer leur rançon. Le chevalier résolut d’entrer, par un moyen quelconque, dans le château et d’offrir ses services aux malheureuses princesses. Il s’arma de toutes pièces et frappa résolument du pommeau de son épée à la porte du château, et, à son grand étonnement, la grande porte s’ouvrit tout au large, et il vit… »