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Page:Alcott - Les Quatre Filles du docteur Marsch.djvu/275

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DES JOURS SOMBRES.

faire entendre. Un temps vint où elle ne reconnaissait plus les figures familières qui l’entouraient, et où elle appelait sa mère d’un ton désespéré. Alors Jo s’effraya. Meg supplia Hannah de lui laisser écrire la vérité à sa mère, et Hannah elle-même dit « qu’elle y penserait, quoiqu’il n’y eut pas de danger. » Une lettre de Washington ajouta encore à leur douleur ; M. Marsch avait eu une rechute, et Mme Marsch ne pouvait penser revenir avant longtemps.

Comme les jours paraissaient sombres maintenant ! Que la maison semblait lugubre, et combien les trois sœurs étaient désolées, pendant que l’ombre de la mort planait sur la famille si joyeuse autrefois ! Ce fut alors que Meg, cousant toute seule en pleurant sur son ouvrage, vit, en comparant le passé au présent, combien elle avait été heureuse jusque-là. Ce fut alors que Jo, vivant dans la chambre obscure avec sa petite sœur souffrante devant les yeux, et sa voix touchante dans les oreilles, apprit à voir, dans son plein, la beauté morale et la douceur de l’angélique nature de Beth, à sentir quelle place profonde elle tenait dans tous les cœurs, et à reconnaître l’inestimable mérite du caractère de Beth, dont l’ambition désintéressée était de vivre pour les autres et de rendre sa famille heureuse. Amy, dans son exil, désirait ardemment revenir travailler pour Beth. Elle sentait maintenant qu’aucun service ne serait difficile ou ennuyeux, et se rappelait, avec une douleur pleine de regret, combien de ses devoirs, négligés par elle, sa sœur dévouée avait remplis à sa place.

Laurie hantait la maison comme une âme en peine, et M. Laurentz ferma à clef son piano à queue. Il ne pouvait pas supporter qu’un autre fît de la musique quand la petite voisine, qui lui rendait ses soirées si