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Page:Alexandri - Ballades et Chants populaires de la Roumanie, 1855.djvu/129

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et le corps s’incline et tombe… Mais hélas ! au même instant Codréan, dont les forces sont épuisées, chancelle, glisse sur ses genoux, et son bras, qui se soutient à peine, l’empêche seul de toucher la terre.

La potira le fait prisonnier !




On traîne Codrean à Jassi où règne Iliech Voda 52 ; on le conduit dans le divan, là où le prince couvert d’un caftan rouge et armé d’un bousdougan 53, siége auprès d’un Turc de Constantinople 54.

« Ohé ! Codréan, le jeune brave, réponds à notre seigneurie : as-tu tué beaucoup de chrétiens, depuis que tu parcours le pays en brigand ?

— Altesse Princière ! je jure par le nom de la sainte Vierge, que je n’ai pas tué de chrétiens depuis que je parcours le pays en brave. Quand je faisais rencontre d’un chrétien, je partageais avec lui en frère ; s’il possédait deux chevaux, j’en prenais un pour moi et lui laissais l’autre ; s’il possédait dix piastres, j’en prenais cinq et lui en laissais cinq ; quand je rencontrais un pauvre, je cachais ma hache et remplissais ma main d’or pour le donner au malheureux ; mais lorsque j’apercevais un Turc, oh ! alors je ne pouvais résister au désir de lui trancher la tête et de la jeter en proie aux corbeaux. »

À ces mots de Codréan, le Turc aux lèvres épaisses qui siégeait dans le divan, à côté du prince, devenait pâle comme un mort et se jetait aux genoux du prince en disant :