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Page:Alexandri - Ballades et Chants populaires de la Roumanie, 1855.djvu/185

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de son âme et dit : « Seigneur, Seigneur Dieu, que ta volonté soit faite ! »

Frappé de surprise à la vue de tant de résignation, le cruel pacha fit signe au bourreau de s’arrêter, et se sentant ému de pitié : « Vieux boyard Constantin Brankovano, prince chrétien, dit-il, tu avais trois enfants ; des trois, tu viens d’en perdre deux ; un seul te reste ; si tu veux sauver ses jours, abjure la religion du Christ pour celle de Mohammed.

— Dieu est grand ! répondit le prince, je suis né chrétien et chrétien je veux mourir. Oh ! mon enfant chéri, tais-toi, ne pleure pas ainsi, car mon cœur se brise dans ma poitrine ; tais-toi, et meurs dans ta religion ; car le ciel s’ouvre pour toi. »


Le cruel pacha sentit croître sa fureur ; ses yeux s’injectèrent de sang et sa voix devint sourde de rage. Les bourreaux préparèrent leurs armes meurtrières, et arrachant le jeune et tendre enfant des bras de son père, ils le jetèrent sous leurs pieds et firent voler sa tête angélique.

Le vieux Brankovano fondit en larmes et dit du fond de son âme. « Seigneur, Seigneur Dieu ! que ta volonté soit faite ! « Puis tout à coup il lui sembla que le monde se couvrait de ténèbres ; son cœur se déchira avec une grande douleur ; la fureur s’empara de ses esprits et il s’écria :


« Oh ! misérables brigands ! païens, fils de chiens ! J’avais trois enfants ; vous me les avez ravis tous les trois. Fasse le Seigneur Dieu que mon vœu s’accomplisse ! puissiez-vous disparaître de la surface de la