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Page:Alexandri - Ballades et Chants populaires de la Roumanie, 1855.djvu/32

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sous l’influence des idées et de la littérature grecques, le peuple, ignorant, mais fier, continuait à parler le latin rustique des soldats de Trajan. Tout au plus quelques mots slaves s’y étaient-ils glissés à la dérobée. C’est dans cette langue qu’il chantait ses souffrances et les hauts faits de ses ancêtres. Les Cigains, les rhapsodes de la Roumanie, allaient d’un endroit à l’autre récitant ou chantant ces poëmes, dont les auteurs sont restés inconnus, qu’aucune main ne s’est jamais occupée de transcrire et qui se sont transmis de bouche en bouche, d’une génération à l’autre, à travers les siècles.

Mais tout s’efface ou s’altère, même ce qui tient de plus près à l’âme et à la vie d’une nation. Alexandri était trop poëte pour n’avoir pas été frappé de la beauté de cette poésie primitive dont les accents l’avaient, pour ainsi dire, bercé ; il avait trop l’amour de son pays pour ne pas désirer que ces chants, qui retraçaient sa gloire et sa souffrance passées, fussent recueillis avant que le temps les eût complètement dispersés ou défigurés. Cette recherche l’occupa durant plusieurs années. Tandis que Nicolas Balcesco visitait les monastères des Carpathes, cherchant, pour me servir de ses propres paroles, « sous leurs ruines les traces de la grandeur des ancêtres, » Alexandri parcourait à pied les montagnes et les plaines de la Roumanie, recueillant çà et là les traditions et les