Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/184

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qui passait pour un rustre et un ours mal léché, mais dont on ignorait encore absolument le visage.

D’un autre côté, à mesure que l’argent arrivait, Zola, qui avait pris l’habitude de courir les marchands l’après-midi pour compléter son ameublement, ne s’arrêta plus : des vieux meubles, il passa aux bibelots. Et, ici, une curieuse remarque. Balzac dit quelque part que les parvenus se meublent toujours le salon qu’ils ont ambitionné autrefois, dans leurs souhaits de jeunes gens pauvres. Eh bien ! justement, dans l’ameublement de notre naturaliste d’aujourd’hui, le romantique des premières années a persisté. Il dit, pour s’en défendre, que ça coûterait trop cher, si l’on voulait un luxe tout moderne. Mais cette économie, réelle au fond, n’est chez lui qu’un prétexte. La vérité est que l’observation de Balzac se trouve ici confirmée. C’est surtout dans son appartement actuel de la rue de Boulogne, ou il habite depuis 1877, que Zola a pu contenter d’anciens rêves. Ce ne sont que vitraux, lit Henri II, meubles italiens et hollandais, antiques Aubusson, étains bossues, vieilles casseroles de 1830 ! Quand le pauvre Flaubert venait le voir, au milieu de ces étranges et somptueuses vieilleries, il s’extasiait en son cœur de vieux romantique. Un soir, dans la chambre à coucher, je lui ai entendu dire avec admiration : « J’ai toujours rêvé de dormir dans un lit pareil… C’est la chambre de Saint-Julien l’Hospitalier ! »

Puisque je viens de nommer Gustave Flaubert, il