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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/117

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

Ragaillardie, maintenant, Jenny trottinait sur le chemin de halage, entre deux ornières profondes creusées par des roues de charrettes. Le Don Quichotte accablé s’était éveillé, et, tout en sautillant sur le dos de Rossinante, sifflait un air de chasse, brandissait sa cravache dans le vide, comme s’il en eût cinglé un visage. Depuis quelques instants, dans l’élargissement subit du vallon, la grande route d’Italie coupait l’horizon d’une grande barre blanche en pente raide jusqu’à la rivière. Pour remonter du chemin de halage sur le nouveau viaduc, miss Jenny n’eut pas le loisir de recommencer ses simagrées de la route de Marseille : son maître la lança à toute bride sur la montée qui ramène à Noirfond.

Il était quatre heures. Le soleil ne jaunissait plus que les derniers étages des maisons de l’avenue d’Italie. Sur les bancs, des soldats attendaient l’heure de la soupe pour rentrer à la caserne voisine. Des gamins, les bras étendus en balancier, marchaient sur de grosses poutres devant une chapelle en construction. Truelle en main, les maçons travaillaient sur leurs échafaudages, tandis qu’un manœuvre gâchait de la chaux au milieu d’un grand rond de sable. Le bruit du ciseau des tailleurs de pierre était continu, agaçant.

Une vingtaine de petits garçons en uniforme bleu revenaient de la promenade, deux par deux, les plus petits en avant, suivis d’un jeune prêtre. Ils entrèrent dans la maison contiguë à la chapelle en con-