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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/137

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

milieu du jour dans la salle à manger déserte de l’Hôtel du Vatican, qui a la spécialité, à Marseille, d’héberger les prêtres.

Le service à la carte était très lent. On leur faisait attendre indéfiniment un beefsteack aux pommes. Il entrait peu de jour par l’unique fenêtre, donnant sur une ruelle étroite qui mène à la rue Paradis. On n’entendait pas de bruits de voitures. Des rideaux blancs opaques, de la tapisserie terne, du plafond jauni, suintait une paix glaciale de sacristie. Sur les nappes, pendant bas avec une raideur de nappe-d’autel, un calice n’eût pas juré à côté des burettes de l’huilier. Et, en attendant que le garçon les servît, elle était là attablée avec son Dieu, muette, en adoration, communiant sous les deux espèces : en le mangeant des yeux et en buvant son souffle. Quelquefois, sous l’étroite petite table, à un frôlement fortuit de soutane contre son genou, elle s’évanouissait presque.

Le soir du troisième jour, ils avaient pris un fiacre pour achever leurs courses. L’heure du dernier départ de la diligence approchant, elle se hasarda à dire :

— Nous n’aurons jamais le temps de finir… En tous cas, dites, nous pourrions bien coucher ici, à l’hôtel ?

Et elle le regardait bien dans les yeux.

Le front de l’abbé de la Mole se rembrunit.

— Non, vous le savez bien, je ne dois pas découcher.