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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/148

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

toufles, étendu sur un fauteuil bas, lisant dans un énorme livre. Une grande flamme claire dansait dans la cheminée. Il tourna une page. Il était très attentif à sa lecture, très calme. Pas un muscle de son visage, où l’abat-jour projetait toute la clarté de la lampe, ne bougeait. Elle s’appuyait les mains sur la poitrine pour comprimer les battements de son cœur.

— Quand il tournera de nouveau la page, se dit-elle, j’entrerai.

Presque aussitôt l’abbé de la Mole tourna un second feuillet. Alors, le front en avant, fermant les yeux sans le vouloir, elle poussa héroïquement la porte.

Il ne montra ni étonnement ni colère. Très naturellement, comme s’il eût reçu une visite ordinaire, il quitta son fauteuil, et le poussa devant la cheminée pour madame Fraque. Lui, resta debout, attendit.

Elle fut longtemps sans pouvoir rien dire. La salive lui manquait. Et, les deux mains tendues vers le feu, elle était secouée d’un grand frisson. Pourquoi aussi ne parlait-il pas, lui ? Pourquoi ne la brusquait-il pas comme à l’ordinaire, cette fois qu’elle se sentait prête à tout entendre, qu’elle était venue pour en finir ? S’il l’avait seulement menacée de la jeter à la porte : un soufflet, au moins, l’eût fait pleurer ! Mais ce silence !… Elle venait de pousser son fauteuil dans la cheminée, ses mains touchaient presque la flamme, et elle avait froid.

— Vous m’attendiez donc ? dit-elle enfin.

Il ricanait sans répondre. Et elle était au bout de