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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/150

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

chambre à tout hasard, il restait là, tournant le dos à l’alcôve, ne sachant s’il devait s’asseoir.

— Soyez raisonnable, je vous en supplie, implorait-il sans se retourner.

Le bras lui tremblait. Il avait peur. Sa voix rampait, traînarde et lâche :

— Venez vous remettre dans votre fauteuil… Nous causerons… Ici, venez, je vous attends.

Elle obéit. Mais quand il la vit là, près de lui, décoiffée, les yeux d’un éclat extraordinaire, presque jeune, toute vibrante encore de l’accès de passion qui l’avait secouée, et pourtant déjà docile et suspendue à ses lèvres, l’abbé de la Mole recouvra peu à peu son assurance.

Il parlait maintenant, et de lui, rien que de lui, avec un égoïsme naïf, complet, admirable. Son avenir avant tout ! quelque chose de sérieux, d’important, de vénérable même ; une espèce de montagne sacrée qui se trouvait là, en face, obstruant l’horizon, et autour de laquelle le reste de l’humanité s’aplatissait comme la poussière. Et des projets d’ambition, toute sorte de petits sentiers entrecroisés et tortueux pour atteindre le sommet de la montagne. Tout cela mêlé à des retours attendris sur son enfance, avec des phrases comme celle-ci : « J’avais déjà la Foi ! » avec de grands mots : le Devoir, la Prudence, le Péché.

Elle, sous cette douche, grelottait. Le mangeant encore des yeux et lui bavant son souffle, elle avait beau se rapprocher de lui comme un enfant qui a froid. De minute en minute, son amour transi se