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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/156

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

pies dans leur caisse en planches, ni les pêcheurs à la ligne éternellement immobiles, ne s’arrêta pas dans cet enfoncement solitaire de vallon où ses yeux, une fois, s’étaient tout à coup mouillés, pendant que miss Jenny plongeait les naseaux dans l’écume laiteuse de la Fontaine d’argent. Il arrivait sous le second viaduc. Il n’avait qu’à monter sur le pont, et, du parapet même, il découvrirait le commencement de l’avenue d’Italie, et les grands bâtiments percés de petites fenêtres de la caserne.

— Non, je ne vais pas à Noirfond ! répéta-t-il avec rage.

Il passa presque en courant sous le viaduc, et continua à remonter la rivière. Mais depuis un instant il avait à gauche, entre Noirfond et lui, « la colline des Pauvres » : un grand coteau nu, sans arbres, sans broussailles. Triste masse grise de pierres, crevassée çà et là de trous d’anciennes carrières abandonnées. M. Fraque la connaissait bien, cette colline. Tout enfant, une fois, sa bonne l’avait emmené promener jusque-là ; puis, prise tout à coup de panique à la vue d’un homme déguenillé, maraudeur de mauvaise mine de ces carrières d’Amérique de Noirfond, elle l’avait emporté dans ses bras en courant jusqu’aux portes de la ville. Collégien, un jour où l’on s’était échappé en sautant par dessus le mur de la cour du collège, on y était venu en bande se griser toute une après-midi d’air pur, de rires, de cris, d’eau de réglisse secouée dans une bouteille ; et l’on avait joué