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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/165

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

de corbeilles vides représentaient les cigares et les « tabacs ». Et, sur un tableau noir, des colonnes de chiffres à la craie marquaient « les heures de billard ». Pendant que le Polaque faisait descendre la seconde fiche rouge, en plantait trois à son tour, de dix francs chacune, le cafetier, aidé d’un garçon, établissait le compte général. La culotte, ce soir-là, montait à deux cent dix-sept francs.

— Trente francs passés par moi et trente que tu avais, dit alors le Polaque, font soixante… Il me reste cent cinquante-sept francs. En jouons-nous vingt à la fois ?

— Soit ! répondit Mauve, de Toulon.

Et les adversaires, qui à eux deux n’avaient sans doute pas bu, fumé, joué au billard pour deux cent dix-sept francs, reprirent fiévreusement les cartes. Il était onze heures du soir. Dans la première salle, celle des « Momies », quatre bourgeois de la ville, leur domino terminé, se levaient, mettaient leurs pardessus.

— Bonsoir, Madame Brun, fit le premier en passant devant le comptoir : un banquier, retiré des affaires, chauve, qui entretenait la première chanteuse du théâtre.

— Madame Brun, bonsoir, répétèrent à leur tour les trois autres : un grand juif crasseux à tête d’oiseau, un huissier, et un chemisier-bonnetier-gantier, malignement surnommé « le duc de la Rochefauxcols » à cause de sa prestance, de ses superbes favoris poivre et sel, de ses prétentions de vieux beau.