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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/167

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

fontaine. Puis, elle avait eu l’honneur de soutenir un siège contre le duc d’Épernon. Puis, la féodalité décapitée par le cardinal Richelieu, elle était restée, jusqu’à la Révolution, ville de Parlement et de noblesse de robe. Mais, depuis 89, elle était descendue au rang de simple sous-préfecture. Sa voisine à quelques lieues de là, prospère et populeuse, devenue le chef-lieu, et une des grandes villes de France, semblait avoir eu la sollicitude d’accaparer le commerce et l’industrie de la région, toute la fièvre et le vacarme de la vie moderne, pour la laisser, elle, à ses souvenirs et à ses regrets, au calme, au recueillement, au rêve éveillé du passé, à un demi-sommeil plein de majesté et de mélancolie. Son antique splendeur lui valait pourtant d’avoir conservé deux fleurons : une Cour d’appel et une Faculté de droit. Celle-ci, pépinière de magistrats et d’avocats, mettait neuf mois de l’année dans la ville deux ou trois cents jeunes gens d’un peu partout. Mauve, de Toulon, et le Polaque étaient l’un et l’autre étudiants en droit ! Au milieu du silence nocturne et du repos de l’antique ville d’études, ils continuaient leur jeu acharné. Après une longue intermittence, pendant laquelle ils ne s’étaient rien fait, la veine, une veine foudroyante, se déclara en faveur du Polaque. Cinq fiches, plantées coup sur coup ! Cinq parties, de vingt francs, gagnées en rien de temps ! Mauve, de Toulon, suait à grosses gouttes. Minuit sonnèrent sur ces entrefaites. Et tout à coup, un coq chanta.