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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/233

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

allaient devant elles, sans savoir, à travers la ville inhospitalière. On eut l’étonnement de les voir passer et repasser sur la place du Marché, rue de l’Université, rue des Tanneurs, rue des Orfèvres, et au carrefour des Trois-Ormeaux, et rue de la Miséricorde. Puis elles revinrent sur le Mail, le quittèrent, firent le tour des prisons, passèrent devant la tour du Grand-Horloge, sur la place du Parlement, sortirent par la porte Romaine, poussèrent une pointe jusqu’à la gare, rentrèrent par le Mail, se reposèrent quelques instants sur des chaises, dans une église ; puis, intimidées par le bedeau, repartirent. Voilà qu’elles se retrouvaient pour la quatrième fois sur le Mail. Et il n’était encore que onze heures du matin ! La ville, autour d’elles, indifférente, avait repris son paisible train-train ordinaire. L’omnibus de l’Hôtel de Paris revenait vide de la gare. Un cheval de maître buvait à longs traits l’eau limpide du Bon-Grand-Homme. Sur l’allée du Nord, deux nobles, un comte et un marquis, fumaient tranquillement leur pipe, en se promenant, les mains derrière le dos. D’une fenêtre ouverte de salle à manger sortait une musique claire d’assiettes et d’argenterie remuées. Alors, creusées par l’exercice, reconnaissant que décidément, à trois, la chance ne leur souriait pas, elles allèrent chacunes de leur côté, à la recherche d’une côtelette. Mais Camélia reçut un affront aux Quatre-Billards, le père Brun ne voulant plus la recevoir ; au Durand, elle trouva cependant une absinthe. La bossue, qui avait mauvais