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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/24

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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

du déjeuner jusqu’au dîner, elles en parlaient tout doucement, entre elles, en bonnes amies qui trouvent du charme à échanger leurs impressions et à remuer des souvenirs.

Cette Lucie Pellegrin, que l’autre Adèle n’avait vue que deux ou trois fois, Héloïse et Marie la frisée la savaient par cœur, comme toutes les habituées de l’Élysée-Montmartre, de la Reine-Blanche, de la Boule-Noire, du Château-Rouge ; mais c’était la grande Adèle qui en savait le plus sur son compte, elle qui se disait du même quartier, de la même rue, qui avait connu Lucie « honnête », qui l’avait vue « débuter », qui en huit ans l’avait plus de vingt fois perdue de vue et retrouvée, enfin avec laquelle elle se trouvait en froid, depuis un an, « sans se souvenir au juste pourquoi. » Cette Lucie Pellegrin, toutes trois se plaisaient à la raconter, à l’expliquer, à la discuter pour leur nouvelle camarade, pour la femme de province devenue depuis peu une femme de Paris.

Il fut d’abord question de sa beauté. L’autre Adèle, une de ces filles qui jettent à tout propos dans la conversation un : « Moi, je sais que je ne suis pas ceci, que je ne suis pas cela ! » contraint et pincé, mais qui ne reconnaissent pas volontiers une supériorité chez les autres, disait :

— C’est comme aussi on me l’avait donnée pour si jolie !… Moi je n’ai guère trouvé…

Il ne fallait pas dire que Lucie Pellegrin n’était pas jolie, se récrièrent les trois femmes. C’était tout ce