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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/240

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

bouchon des bouteilles de champagne, saute. Je les vois, tous ! Le vieux papa Derval, rouge comme sa décoration de commandant en retraite, a la larme à l’œil. Notre président du tribunal se lève, hume sa prise, et prononce un toast. L’indispensable boute-en-train, M. de Lancy, invente quelque facétie pour amuser les dames. Et elle ?

Elle était si petite, quand j’allais, aux vacances, chasser à Miramont, chez ma grand’mère. Le dimanche, pour la messe, les Derval faisaient l’ascension de la colline escarpée où est juché le village. Ils s’arrêtaient chez nous. Une fois, je m’en souviens, je l’avais prise à sa nourrice et je la tenais dans mes deux mains. Tout à coup, à travers le maillot, quelque chose passe et me mouille les doigts.

— Oh ça, monsieur, c’est béni ! me dit sa nourrice, en la reprenant.

Dans notre jardin, autour du grand jujubier, elle courait, en sautillant, comme un jeune moineau. Et l’orgue à manivelle, que ma grand’mère avait donné à l’église, et que le maître d’école tournait pendant la messe de onze heures ! il fallait qu’on la mît debout sur une chaise tout à côté de l’harmonium : elle le touchait, elle lui donnait des coups de pied, elle voulait aussi tourner la manivelle. Elle dansait en mesure avant de savoir marcher. Une après-midi où une famille d’Italiens jouait de la harpe devant la maison, je la vois encore : piétinant, sautant, improvisant des pas adorables de danseuse de quatre ans qui tient re-