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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/265

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

cheveux, barbouiller de savon le museau du chat de la boutique, et, du plat de la main, appliquer au patron de grandes tapes dans le dos ! Il a beau grisonner, avoir cinquante ans, une large patte d’oie, des rhumatismes : c’est tout son écervelé de fils. D’ailleurs, ils se tutoient tous les deux, ont le même tailleur, mènent la même vie, fréquentent maintenant le même cercle, jouent avec les mêmes cartes, pontent l’un sur l’autre et se font des banquo, au bal valsent avec la même fougue, et, à l’heure du cotillon, se rencontrent parfois, le père et le fils, aux genoux de la même femme. Avec cela, M. de Lancy passe pour un excellent mari, sa femme l’adore. Chaque dimanche, le père, le fils et la mère vont ensemble à la messe de midi.

Madame de Lancy, elle, a une seule passion : recevoir ! L’hiver, dans son hôtel ; l’été, dans l’espèce de masure attenante à une ferme et flanquée d’un pigeonnier qu’on décore du nom de château de Lancy, il faut qu’elle donne des fêtes. C’est sous cette forme particulière que se manifeste chez elle cette soif de plaisir qui est la caractéristique de la famille. Son mari, un sanguin bon vivant, satisferait à meilleur marché ce besoin de mobilité et d’agitation resté aussi impérieux en lui que chez son fils. Mais elle, la poitrine un peu plate, élancée et pâle, nerveuse, de grande race, ayant dans son enfance mis le pied sur le seuil du véritable monde parisien, quoi d’étonnant que du jour où elle s’est sentie plongée dans le bain