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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/268

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

courait. À chaque instant, c’était un petit froissement de papier déplié. Même, ce soir-là, expansif à sa manière, il nous faisait part de sa lecture, en laissant tomber des bouts de phrases : « Hausse, 30 centimes… — Excellente attitude de l’Autriche… — Jules Favre vient plaider ici devant la cour… — Remède contre le phylloxera… — Tiens, notre ancien procureur général est nommé à Rennes. » Dans un jardin voisin, un rossignol poussait parfois deux ou trois notes veloutées.

Enfin, il fit tout à fait nuit. Mais l’atmosphère était si pure, la lune, au-dessous des arbres du jardin, montait si ronde et si brillante que Moreau aurait pu continuer sa lecture. Le journal qu’il tenait toujours glissa de ses mains sans qu’il bougeât pour le ramasser. Moreau s’était endormi.

Hélène le regardait. Son front, impénétrable et dur en ce moment, devait contenir une pensée qu’elle ne me communiquait pas.

— Tenez ! il ronfle, dit-elle seulement.

Et elle me regarda.

— Nous, marchons un peu, ajouta-t-elle. Venez…

Je l’avais suivie. Le petit gravier des allées criait sous nos pas. Nous tournions le dos au chalet, enfoncés de plus en plus sous le bosquet qui s’étend de la terrasse à la haute grille du fond donnant sur la route. Tamisée par les branches basses, la lune ne faisait plus que des gouttes de clarté jaune filtrant çà et là entre les feuilles. Et j’étais à une de ces minutes