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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

cabane. Mes yeux fouillent l’aire entière, suivant les ondulations de la paille hachée par les sabots ferrés des mulets. Rien que de longues vagues jaunes immobiles, sorte de mer moutonneuse figée dans le calme du crépuscule. Tout à coup, là-bas, à l’autre bout de l’aire, mon regard se porte sur une imperceptible ondulation. J’y vais, en enfonçant jusqu’au genou. Hélène était là, étendue sur le dos, tout le corps et les doux bras enfouis dans la paille, sous un gros tas. Rien que sa petite tête brune ne sortait. Elle ne m’entendait pas venir. Et elle me semble très pâle, amaigrie, les yeux cernés, presque effrayante à voir. Elle dormait peut-être, mais d’un inquiétant sommeil : paupière ouverte, et regard fixe.

— Hélène !

Pas de réponse.

— Ma petite Hélène !

Elle ne remue pas. Et je n’étais plus qu’à deux pas d’elle.

— Ah ! fit-elle tout à coup. Ah ! toi !… toi, bon ami !…

Un bond ! le tas de paille amoncelé sur elle coule de toutes parts. Et elle est à mon cou, me serrant de toutes ses forces. Elle ne m’embrassait pas : elle se tenait pendue à moi, ayant grimpé le long de mon corps, et elle m’étreignait éperdument de ses petites jambes. Moi, je l’embrassais en grand frère aîné aimant bien sa jeune sœur. Je couvrais de « caresses de nourrice » sa joue subitement enflammée. Je l’em-