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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/292

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

dans ce square minuscule, élégant, mais d’une élégance de grisette, bon pour les ébats de la marmaille des boutiquiers du quartier… Allait-elle souvent au parc Monceaux ? au jardin des Tuileries ? au Bois ? À quel coin heureux et charmant de Paris accordait-elle ses préférences, pour y venir tous les jours lire, travailler, rêver ? Quelle était son existence depuis ces cinq ans, depuis le matin où elle m’écrivait : « J’aime pour la première fois de ma vie. » Je ne savais rien, et, pouvant apprendre tout en quelques minutes, tout à la fois, voilà que je restais cloué sur ma chaise, hésitant et peureux, comme celui qui n’ose plus décacheter la lettre qui va décider de sa vie entière. Mon cigare venait de s’éteindre. Il sonna trois heures.

— Allons !… plus tard je la trouverais sortie.

Et, quittant le square, je montai tout de suite la rue de Londres. Place de l’Europe, un sifflet de locomotive ! J’étais déjà rue de Saint-Pétersbourg, trottoir de droite. Je levai les yeux : « no 16… » C’était 16 bis ! la porte suivante, une fort belle maison du Paris nouveau de M. Haussmann. Mon coup de sonnette me retentit profondément dans la poitrine… La concierge était devant la porte de la loge.

— Monsieur demande… ?

— Madame…

Le nom m’écorchait la bouche à prononcer. Je surmontai ma répugnance.

— Madame de Vandeuilles.