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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/302

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

y faire attention, excepté le soir. C’était si beau, la nuit tombée, lorsqu’une infinité de becs de gaz immobiles surnageaient au-dessus d’un lac noir, au fond duquel glissaient continuellement les wagons et les locomotives. Lucienne, alors, dormait dans son petit lit. Elle, venait s’asseoir sur le balcon, seule, et elle passait des heures à regarder toutes ces lumières animées. Il y en avait de vertes, de routes, de bleues, qui semblaient jouer à se poursuivre et à se dépasser comme des étoiles de chandelles romaines, tandis que d’autres ne remuaient pas. Les locomotives circulaient, superbes, toutes noires au milieu de leur rougeur de fournaise, haletantes, soufflant leur fumée embrasée… Mais je n’écoutais plus Hélène. Je ne pensais qu’à une chose : M. de Vandeuilles la laisse seule, et pendant des soirées entières ! Quelle autre affaire peut-il avoir que de lui tenir compagnie ! Hélène a parlé de cercle : il joue ! Passerait-il ses soirées à courir les théâtres ? Aurait-il d’autres maîtresses ?… Moreau, lui, ne sortait pas le soir, mais s’endormait et ronflait… Celui-ci vaut-il mieux ?

— Tiens ! fit-elle avec un sourire railleur, à quoi pensez-vous ?

Et, comme je ne répondais pas, elle ajouta :

— Je n’aime pas vos distractions.

Elle me devinait peut-être ! Ma confusion était grande. J’essayai alors de lui dire timidement :

— Quand vous passez vos soirées seule, je voudrais être ici, sur ce balcon…