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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/310

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

— Elle ne demeure plus ici… Il y a bientôt deux ans.

Deux ans ! et elle ne me l’avait pas fait savoir ! Que de fois, pendant ces deux ans, je me l’étais imaginée dans son appartement, s’occupant de sa fille, de ses fleurs et de ses oiseaux, ou, le soir, sur son balcon, regardant le chemin de fer !

— Êtes-vous sûre qu’il y ait deux ans ?

— Oui… à un terme d’avril, je me souviens… quand ce monsieur donna congé, sa dame venait d’accoucher d’un garçon mort… Leur petite aussi était toute malade.

— Et leur nouvelle adresse ?

La concierge ne la savait plus. D’ailleurs, c’était près des fortifications : aux Ternes, peut-être à Passy ou à Auteuil, ou ailleurs. Son mari, cependant, devait se rappeler l’adresse, lui qui avait aidé aux déménageurs, son mari, garçon de bureau au ministère des finances… Vite, un fiacre, et au ministère ! Le garçon de bureau interrogé, me voilà à l’entrée de la Cité-des-Fleurs, aux Batignolles. Je renvoyai la voiture. Il était à peine dix heures.

Je ne connaissais pas la Cité-des-Fleurs. Tout au bas de l’avenue de Clichy, plus loin que le dernier bureau de l’omnibus de l’Odéon, au fond d’un quartier excentrique et populaire, quelle ne fut pas ma surprise ! Paris vous réserve de ces éblouissements. Il me sembla tout à coup que j’entrais dans un bouquet odorant qui était une volière : rien que de la verdure, des fleurs, et du soleil, et des oiseaux vole-