Aller au contenu

Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

je suis ici… je vais appeler Madame… » Mais Madame est à sa toilette et me fait attendre un gros quart d’heure. Par une fenêtre du rez-de-chaussée ouverte, la salle à manger : deux bonnes mettent la nappe pour le déjeuner, une nappe étriquée de table d’hôte, çà et là tachée de vin. Non ! jamais Hélène n’a demeuré ici ! Enfin, voici Madame, une masse informe et débordante de chair, qui vient d’achever sa toilette, une bonne grosse commère de cinquante ans avec des anglaises, très affable et très expansive, toute disposée à causer.

— Oui, Mme de Vandeuilles a demeuré chez moi…

Ma figure dut exprimer mon étonnement.

— Attendez, monsieur, vous allez savoir…

Pas moyen de placer un mot ; il me fallut subir ses interminables explications. D’abord, elle tenait une pension bourgeoise, elle, et quelle pension ! Ce n’était pas un hôtel, au moins, comme celui dont j’avais dû apercevoir l’écriteau jaune, tout à l’autre bout de la Cité, en arrivant par l’avenue de Clichy ! Cet hôtel de la Cité-des-Fleurs, à l’entendre, était mal habité et déshonorait la cité, « un endroit si tranquille, si comme il faut, si aristocratique, » tandis que sa pension à elle ne faisait nullement tache. Et sa maison par-ci ! et sa maison par-là ! chez elle on se trouvait bien, on vivait en famille, et rien que des personnes distinguées : commerçants retirés, officiers en retraite, une vieille dame noble avec son fils employé au ministère ; tous gens posés, bonne paie, heureux