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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/321

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

pouvant en détacher mon regard, voilà qu’à des tables voisines, d’autres femmes seules se mettaient à m’appeler : « Psttt ! hé ! le monsieur ! Psttt !… » Elle, alors, se levant sans achever son bock, marcha résolument vers moi, et glissa sous mon bras sa fine main gantée, tout naturellement, comme si nous nous connaissions de vieille date. Sa taille, plus mince et plus petite, ne rappelait guère celle d’Hélène. Une fille d’ailleurs toute jeune, vingt ou vingt-deux ans. Mais quand nous eûmes dépassé un peu le café, au moment où j’allais dégager mon bras, elle me dit je ne sais quoi, et le timbre de sa voix produisit en moi un charme singulier. C’était une voix déjà entendue, et dont la vibration jeune, fraîche, un peu grêle, me ramenait à une époque lointaine : la voix d’Hélène toute jeune fille. Et je ne dégageais plus mon bras, je me laissais mener par elle où elle voulait ; je lui faisais au hasard les premières questions venues, pour qu’elle me parlât ; puis, fermant à demi les yeux, oubliant le sens de ses paroles pour n’en savourer que la musique, il me semblait par moments qu’au lieu de cette rue du Faubourg-Montmartre que nous remontions, c’était dans les prairies de Miramont, il y a vingt ans ! Nous ralentissions le pas du côté des grands saules, et je pressais contre moi le bras de l’élève de Saint-Denis en congé qui me faisait gravement ses confidences. Ce fut tout à coup comme si je m’éveillais en sursaut. Nous étions rue Notre-Dame-de-Lorette, devant une porte, et la jeune