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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/346

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

respirait librement. L’orgue de Barbarie semblait jouer très loin, tandis que le roulement d’un omnibus sur la chaussée écrasait le sol et pesait sur les poitrines. Puis des sous se mirent à pleuvoir çà et là, comme des gouttes larges tombées d’un nuage chargé d’électricité. À la fin, le public se lassant le premier, des applaudissements, mêlés à des murmures, éclatèrent. Fernand, écarlate, en sueur, ne lâchait pas le tonneau. « Assez ! assez !… » La foule eût fini par se ruer sur lui et le lui arracher… Lorsque le tonneau reposa de nouveau sur les deux supports, ce fut pour tous un soulagement. Et Fernand, après deux ou trois secouements de tête, sur place, hébétés, fit quelques pas comme un homme ivre, et se laissa tomber sur un banc.

On ne faisait plus le cercle. C’était fini. Seulement, avant de s’éloigner, beaucoup s’approchaient du banc, et contemplaient le saltimbanque épuisé. Des mains l’applaudissaient encore. « Il sue ! — Des gouttes sur son maillot ! — Il ne recommencerait pas ! — Pourquoi se cache-t-il le visage dans son mouchoir ! on croirait qu’il a mal aux dents… — Ses dents ! il faut tout de même qu’il les ait solides ! » Puis, Monsieur et Madame s’en allaient, bras dessus, bras dessous. Des cuisinières, de peur d’être grondées, filaient en courant. La fille en cheveux mettait son petit chien à terre, le laissait un moment seul au pied d’un platane, puis, d’un peu plus loin, l’appelait. Et des employés tendaient l’oreille : « Dix