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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/366

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

et les offres à voix basse des domestiques : « Saumon… — Du pain… — Madère ? » Puis des bouts de conversations discrètes se croisaient de nouveau : M. de Lancy avait moins chassé que les années précédentes dans sa terre !… Ce Sardou, de l’Académie française, était un véritable homme de théâtre, qui connaissait à fond le cœur humain et ses moindres replis… Madame de Lancy parlait au général de son fils Henri, récemment nommé lieutenant de la réserve… Le nouveau procureur général gémissait sur l’état des belles-lettres françaises ; depuis l’apparition de Notre-Dame de Paris il n’avait pas lu de roman : chaque fois qu’il s’en était introduit un chez lui, il l’avait brûlé !

— C’est un Sarrasin, votre mari ! fit tous bas le recteur, un homme d’esprit, à l’oreille de la femme du procureur général.

Celle-ci ouvrait le plus possible ses petits yeux.

— Oui, expliqua le recteur, puisqu’il brûle les livres !… Les Sarrasins ne brûlèrent-ils pas la bibliothèque d’Alexandrie !…

Mais M. de Lancy, qui avait entendu, s’arrêta court au milieu d’une démonstration, qu’il faisait au sous-préfet, sur la possibilité d’établir des courses de chevaux locales, pour peu que le gouvernement voulût l’aider. Et, un peu échauffé déjà par les premiers vins, saisissant toujours au vol l’occasion de lancer une plaisanterie énorme, il s’adressa très haut à la petite Normande :