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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

était toujours là, assise devant l’Océan. Et moi, ou plutôt un autre moi-même que je n’ai jamais été, jeune et fort, pour la première fois de ma vie je la pressais contre ma poitrine : « Je t’aime ! » Elle, le sein gonflé d’émotion et de désir, se débattait ; puis, au milieu de sa résistance, je sentais ses deux bras, comme mus par une volonté différente de la sienne, se rejoindre derrière moi, m’attirer contre elle. « Hélène, sois enfin à moi, Hélène ! » voulais-je crier ; mais, du fond de ma poitrine gonflée de désirs, avant d’arriver à mes lèvres, ces mots n’étaient plus qu’un râle de volupté… Soudain, une main, posée doucement sur mon épaule, m’éveilla.

— C’est vous, Hélène ! fis-je très surpris. Quelle heure est-il donc ?

— Bientôt cinq heures, mon ami.

— Cinq heures !!

La table de whist était encore là, avec les deux bougies brûlées jusqu’à la bobêche. Un des deux abat-jour tout à coup tomba, faisant éclabousser de la cire sur le tapis vert. Et les joueurs étaient partis, laissant les cartes bleues mêlées aux cartes blanches.

— Vous ronfliez fort, me dit Hélène ; j’avais peur que vous ne fussiez indisposé… Vous savez, tout le monde est parti.

— Pas possible !

Et je me mis debout, très penaud.

— Vous ne vous en irez pas à pied, reprit-elle. Il a