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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/48

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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

Et, comme on carillonnait de plus belle :

— C’est au moins sa tante, la blanchisseuse de Puteaux, chez qui le petit est en nourrice… Ne bougez pas, vous autres, je vais la faire entrer par le cabinet de toilette.

Et, repoussant derrière elle la porte du salon, elle courut ouvrir. Les deux Adèle, Héloïse et Marie la frisée tendaient l’oreille.

C’était bien la tante, la blanchisseuse. À travers la cloison, elles l’entendirent passer très vite, faisant crier le parquet sous ses gros souliers. Elle devait tenir par la main l’enfant de Lucie Pellegrin, dont elles entendaient aussi trottiner les petits pieds. Et elles ne perdaient pas un mot de ce que cette femme criait de sa voix d’homme enrouée dans les engueulades de lavoir public.

Vite, elle était pressée ! Personne en bas, dans la rue, ne lui gardait son cheval et sa charrette pleine de linge. Il lui fallait de l’argent, tout de suite de l’argent. Le petit marchait nu-pieds, n’avait rien à se mettre ; le petit avait grandi ; le petit déchirait tout. Les manches de son veston lui restaient au coude, et sa culotte trouée laissait tout voir. C’était une abomination que sa sans cœur de mère ne s’en souciât pas davantage. Elle ne voulait pas s’en charger, elle. Il mangeait comme un ogre, il était mauvais comme une gale, il mordait. Elle n’avait pas rapporté les rideaux, ni les chemises brodées. Elle allait emporter tout de même le linge sale ; et elle ne rendrait rien jusqu’à ce qu’on lui eût donné une