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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/56

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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

— Ça dépend de vous de me guérir… Vous ne savez pas, c’est aussi une envie, une vraie envie, qui me prend, celle-là, depuis deux mois, chaque jour, à l’heure où je m’habillais pour le bal. Les soirs d’Élysée surtout, comme ce soir, j’ai beau faire fermer les fenêtres, j’entends l’orchestre, les quadrilles, les polkas, les valses, tout. Et moi je suis dans mon lit !… Je me bouche les oreilles, mais je distingue quand même les piétinements, les rires ; je reconnais des voix, j’entends à onze heures le feu d’artifice, les soleils qui sont là à tourner presque sous mon balcon… Alors je pleure, j’enfonce la tête sous les draps ; et imaginez-vous il me semble qu’on m’appelle : « Lucie Pellegrin ! Lucie Pellegrin !… » que mon bock est tout servi à une table, que ma chaise reste inoccupée, qu’on n’attend que moi pour s’amuser… Oui, je sens que ma vie est là tout entière, à deux pas, et, si je suis malade, c’est simplement parce que je ne fais plus la noce… La preuve, c’est qu’aujourd’hui, rien que d’être venues, vous autres, et de m’avoir un peu fait rire, je vais mieux, beaucoup mieux… J’ai pu me lever toute seule, vous voyez que je puis parler ; il ne me reste qu’un peu de faiblesse pour marcher… Eh bien ! mes amies, c’est simple et facile ce que je vous demande : d’abord vous dînez ici, avec moi, toutes quatre ; madame Printemps redescendra nous chercher quelque chose de bon, ce que vous aimerez, avec du vin cacheté ; puis, quand nous aurons pris des forces, vers neuf heures, nous allons toutes à