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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/98

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

frissons de mélodie qui semblaient pleurer les tendresses de la terre ; puis, les mêmes motifs étaient repris par des voix célestes, reculées à des hauteurs incommensurables, qui semblaient palpiter d’une tendresse divine. Beaucoup de femmes, agenouillées, se cachaient tellement le visage dans les mains qu’on ne savait plus si elles étaient vieilles ou jeunes. Madame Fraque, elle aussi, se prosterna, avec sa ferveur machinale d’autrefois, — comme à son banc, dans la chapelle du couvent, lorsqu’elle ne savait rien encore de ce monde auquel il fallait maintenant renoncer. Pour se figurer que rien n’était passé, que cet « autrefois » durait toujours, elle marmotta tout le chapelet des prières qu’elle n’avait pas oubliées. Quand elle songea à partir, l’orgue ne jouait plus depuis longtemps, l’église était sombre et déserte. Après un dernier « Je vous salue, Marie », madame Fraque sortit de ce premier bain de piété, le cœur moins sec, réconfortée, tout attendrie.

Le surlendemain, elle se confessa. Elle communia la semaine suivante. Puis, son mari ne la reconnut plus. La religion, comme une eau de Jouvence merveilleuse, semblait rajeunir Zoé. Une satisfaction intérieure reflétée sur le visage, un teint naturel et reposé, plus d’harmonie dans la tenue, la rendaient positivement moins laide. Son mari ne revint pas de sa surprise, lorsque Zoé changea brusquement de genre de vie, se couchant de bonne heure et se levant matin, déjeunant et dînant dans la salle à manger,