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Page:Alexis - Le Collage.djvu/253

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LE COLLAGE

s’en était introduit un chez lui, il l’avait brûlé !

— C’est un Sarrasin, votre mari ! fit tous bas le recteur, un homme d’esprit, à l’oreille de la femme du procureur général.

Celle-ci ouvrait le plus possible ses petits yeux.

— Oui, expliqua le recteur, puisqu’il brûle les livres !… Les Sarrasins ne brûlèrent-ils pas la bibliothèque d’Alexandrie !…

Mais M. de Lancy, qui avait entendu, s’arrêta court au milieu d’une démonstration, qu’il faisait au sous-préfet, sur la possibilité d’établir des courses de chevaux locales, pour peu que le gouvernement voulût l’aider. Et, un peu échauffé déjà par les premiers vins, saisissant toujours au vol l’occasion de lancer une plaisanterie énorme, il s’adressa très haut à la petite Normande :

— Madame, comment avez-vous trouvé l’Assommoir ?

Un « oh ! » pudique, secoué ça et là d’éclats de rire en dessous, circula. Et Moreau, en qualité de maître de maison, crut de son devoir de réprimander M. de Lancy, en réservant les droits du bon goût et de la morale. Mais la glace officielle du dîner se trouvait rompue. D’ailleurs on était aux rôtis. Le corton et le chambertin circulaient. Et, de la littérature, la conversation glissa à la politique. Tout allait mal ! La société française était perdue ! Depuis l’avortement du 16 Mai, le maréchal faisait de la peine ! Et, comme le général, lui, la bouche pleine, roulait des yeux ter-