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Page:Alexis - Le Collage.djvu/58

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LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

à côté du chat endormi ; puis, une joue dans le creux de la main, interrompant sa lecture, il regardait dans le vide. Sa pensée le transportait-elle au milieu des êtres chers, pas revus depuis dix ans ? Pourquoi cette ride d’inquiétude qui lui plissait le front ? Il était de plus en plus pâle. Toute sorte de réflexions passaient dans ses yeux, il y en avait de tendres, qui humectaient le rebord rougi de ses paupières ; et de poignantes, de douloureuses, qui crispaient ses doigts et son visage. En faisant cuire ses pommes de terre frites, la fruitière l’observait à la dérobée.

— Diable ! pensait-elle, les bonnes nouvelles lui font un curieux effet… Celui-ci n’a pas l’air drôle, lorsqu’il est heureux.

Pendant le déjeuner, elle et son mari n’arrachaient de leur pensionnaire que des monosyllabes. Au café, en fumant une pipe, M. Clouard, pour couper court à leurs félicitations interminables et à leurs questions indiscrètes, leur lut le Petit Lyonnais.

La Chambre française avait adopté, en bloc et sans discussion, l’amnistie accordée en deuxième délibération par le Sénat. Mais le journal donnait in extenso le compte rendu de la séance du Sénat. Ce n’était guère amusant, et d’un embrouillé ! On ne savait sur quelles pointes d’aiguilles avait piétiné la discussion. Des mots vagues, des cheveux coupés en quatre, des arguties ! Des articles