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Page:Alexis - Le Collage.djvu/88

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LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

Aussitôt, une idée de la foule ! Dans la longueur de l’avenue Trudaine, une ronde immense se mit à tourner, sur l’air national. Jacques se sentit saisir la main gauche, et, instinctivement, sa droite chercha une autre main. Il était un anneau de la chaîne unique.

Comme les autres, tournant, enlevé par le branle général, ne se sentant pas, tournant toujours, il n’était plus qu’un fou, une sorte de grand enfant enthousiaste qui criait à tue-tête : « Vive la République ! » et dont les yeux, sans motif, se remplissaient de larmes.

Enfin la ronde s’arrêta. Clouard se trouvait au bas de l’avenue. Devant lui, dans le grand jour, quelque chose qu’il n’avait pas vu : une gigantesque charge, d’André Gill, peinte et découpée sur bois, formait un arc de triomphe tenant toute la chaussée. Un Gambetta burlesque et colossal, en signe de réconciliation, donnait la main à un amnistié, dont la barbe de fleuve ressemblait à celle de Jacques.


IV


Il était largement cinq heures quand Jacques quitta l’avenue Trudaine. Au boulevard Rochechouart, l’orgue de barbarie d’un jeu de bague encore ouvert jouait continuellement. Il gravit la rue Dancourt, à grandes enjambées.