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Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/364

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ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

force et la richesse de l’un ne sont point la cause de la faiblesse et de la pauvreté de l’autre. L’union est plus difficile encore à maintenir dans le temps où l’un perd des forces et où l’autre est en train d’en acquérir.

Cet accroissement rapide et disproportionné de certains États menace l’indépendance des autres. Si New-York, avec ses deux millions d’habitants et ses quarante représentants, voulait faire la loi au congrès, il y parviendrait peut-être. Mais alors même que les États les plus puissants ne chercheraient point à opprimer les moindres, le danger existerait encore, car il est dans la possibilité du fait presque autant que dans le fait lui-même.

Les faibles ont rarement confiance dans la justice et la raison des forts. Les États qui croissent moins vite que les autres jettent donc des regards de méfiance et d’envie vers ceux que la fortune favorise. De là ce profond malaise et cette inquiétude vague qu’on remarque dans une partie de l’Union, et qui contrastent avec le bien-être et la confiance qui règnent dans l’autre. Je pense que l’attitude hostile qu’a prise le Sud n’a point d’autres causes.

Les hommes du Sud sont, de tous les Américains, ceux qui devraient tenir le plus à l’Union, car ce sont eux surtout qui souffriraient d’être abandonnés à eux-mêmes ; cependant ils sont les seuls qui menacent de briser le faisceau de la confédération. D’où vient cela ? Il est facile de le dire : le Sud, qui a fourni quatre présidents à la confédération[1], qui sait aujourd’hui que la puissance fédérale lui échappe, qui, chaque année, voit diminuer le nombre de ses représentants

  1. Washington, Jefferson, Madison et Monroe.