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Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/148

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caste, c’est-à-dire que sa marque distincte est la naissance.

Elle conserve bien ce caractère propre à l’aristocratie, d’être un corps de citoyens qui gouvernent ; mais c’est la naissance seulement qui décide de ceux qui seront à la tête de ce corps. Tout ce qui n’est point né noble est en dehors de cette classe particulière et fermée, et n’occupe qu’une situation plus ou moins élevée, mais toujours subordonnée, dans l’État.

Partout où le système féodal s’est établi sur le continent de l’Europe, il a abouti à la caste ; en Angleterre seulement, il est retourné à l’aristocratie.

Je me suis toujours étonné qu’un fait qui singularise à ce point l’Angleterre au milieu de toutes les nations modernes, et qui seul peut faire comprendre les particularités de ses lois, de son esprit et de son histoire, n’ait pas fixé plus encore qu’il ne l’a fait l’attention des philosophes et des hommes d’État, et que l’habitude ait fini par le rendre comme invisible aux Anglais eux-mêmes. On l’a souvent à demi aperçu, à demi décrit ; jamais, ce me semble, on n’en a eu la vue complète et claire. Montesquieu, visitant la Grande-Bretagne en 1739, écrit bien : « Je suis ici dans un pays qui ne ressemble guère au reste de l’Europe »  ; mais il n’ajoute rien.

C’était bien moins son parlement, sa liberté, sa publicité, son jury, qui rendaient dès lors, en effet, l’Angleterre si dissemblable du reste de l’Europe, que quelque chose de plus particulier encore et de plus