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Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/434

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tance à parcourir est souvent de cinq, six, et quelquefois dix et quinze lieues ; il faut alors trois jours pour aller et venir. Le payement accordé aux propriétaires n’est que le cinquième de la charge qu’ils supportent. Le moment de cette corvée est presque toujours l’été, le temps des récoltes. Les bœufs y sont presque toujours surmenés, et souvent malades après y avoir été employés, à ce point qu’un grand nombre de propriétaires préfèrent donner 15 à 20 livres plutôt que de fournir une voiture et quatre bœufs. Il y règne enfin un désordre inévitable ; le paysan y est sans cesse exposé à la violence des militaires. Les officiers exigent presque toujours plus qu’il ne leur est dû ; quelquefois ils obligent de force les conducteurs d’atteler des chevaux de selle à des chaises, au risque de les estropier. Les soldats se font porter sur des voitures déjà très-chargées ; d’autres fois, impatientés de la lenteur des bœufs, ils les piquent avec leurs épées, et, si le paysan veut faire quelques représentations, il est fort mal venu.



Exemple de la manière dont on appliquait la corvée à tout.


L’intendant de la marine de Rochefort se plaint de la mauvaise volonté des paysans, obligés par corvée de charrier les bois de construction achetés par les fournisseurs de la marine dans les différentes provinces. On voit par cette correspondance qu’en effet les paysans étaient encore tenus (1775) à cette corvée, dont l’intendant fixait le prix. Le ministre de la marine, qui renvoie cette lettre à l’intendant de Tours, lui dit qu’il faut faire fournir les voitures qui sont réclamées. L’intendant, M. Ducluzel, refuse d’auto-