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Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/74

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Je prie qu’on me permette d’abord de mettre à part ce qu’on appelait les pays d’état, c’est-à-dire les provinces qui s’administraient, ou plutôt avaient l’air de s’administrer encore en partie elles-mêmes.

Les pays d’état, placés aux extrémités du royaume, ne contenaient guère que le quart de la population totale de la France, et, parmi eux, il n’y en avait que deux où la liberté provinciale fût réellement vivante. Je reviendrai plus tard aux pays d’états, et je montrerai jusqu’à quel point le pouvoir central les avait assujettis eux-mêmes aux règles communes. [note] Voyez l’Appendice.

Je veux m’occuper principalement ici de ce qu’on nommait dans la langue administrative du temps les pays d’élection, quoiqu’il y eût là moins d’élections que nulle part ailleurs. Ceux-là enveloppaient Paris de toute part  ; ils se tenaient tous ensemble, et formaient le cœur et la meilleure partie du corps de la France.

Quand on jette un premier regard sur l’ancienne administration du royaume, tout y parait d’abord diversité de règles et d’autorité, enchevêtrement de pouvoirs. La France est couverte de corps administratifs ou de fonctionnaires isolés qui ne dépendent pas les uns des autres, et qui prennent part au gouvernement en vertu d’un droit qu’ils ont acheté et qu’on ne peut leur reprendre. Souvent leurs attributions sont si entremêlées et si contiguës qu’ils se pressent et s’entre-choquent dans le cercle des mêmes affaires.