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Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/108

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chaîne fatale, et qui suppriment, pour ainsi dire, les hommes de l’histoire du genre humain. Je les trouve étroits dans leur prétendue grandeur, et faux sous leur air de vérité mathématique. Je crois, n’en déplaise aux écrivains qui ont inventé ces sublimes théories pour nourrir leur vanité et faciliter leur travail, que beaucoup de faits historiques importants ne sauraient être expliqués que par des circonstances accidentelles, et que beaucoup d’autres restent inexplicables ; qu’enfin le hasard ou plutôt cet enchevêtrement de causes secondes, que nous appelons ainsi faute de savoir le démêler, entre pour beaucoup dans tout ce que nous voyons sur le théâtre du monde ; mais je crois fermement que le hasard n’y fait rien, qui ne soit préparé à l’avance. Les faits antérieurs, la nature des institutions, le tour des esprits, l’état des mœurs, sont les matériaux avec lesquels il compose ces impromptus qui nous étonnent et nous effraient.

La révolution de Février, comme tous les autres grands événements de ce genre, naquit de causes générales fécondées, si l’on peut parler ainsi, par des accidents ; et il serait aussi superficiel de la faire découler nécessairement des premières, que de l’attribuer uniquement aux seconds.

La révolution industrielle qui, depuis trente ans, avait fait de Paris la première ville manufacturière de